
Politique: Haïti, le mirage d’une nouvelle Constitution
- Radio Voix des archanges
- 6 nov.
- 2 min de lecture
L’idée d’une nouvelle Constitution refait surface à Port-au-Prince comme un vieux refrain. Dans un pays pris dans le tumulte de la transition, certains y voient la clé du renouveau démocratique, d’autres une manœuvre politique en quête de légitimité. Pourtant, à bien y regarder, c’est moins la Constitution qu’il faudrait changer que la manière de gouverner.
Au cœur de ce débat, Me Inel Torchon, ancien commissaire du gouvernement et observateur attentif de la vie nationale, a livré une réflexion universitaire d’une rare lucidité sur « le changement de Constitution et le référendum de 2025 ». Dans son analyse, il décrit une Haïti déboussolée, marquée par l’assassinat du président Jovenel Moïse, la prolifération des gangs et la déliquescence institutionnelle. Pour lui, le projet constitutionnel lancé par le Conseil présidentiel transitoire dans un tel contexte relève d’un « volontarisme utopique ».
Me Torchon met en lumière la contradiction fondamentale entre la volonté affichée de moderniser l’État et l’absence d’un environnement sécuritaire et démocratique pour le faire. Comment consulter un peuple qui vit sous la peur, demande-t-il, quand 80 % de la capitale est contrôlée par des groupes armés ? Comment parler de référendum quand les institutions censées en garantir la transparence sont elles-mêmes en ruine ?
La Constitution de 1987, rappelle-t-il, fut une œuvre de rupture avec la dictature, un acte fondateur de la démocratie haïtienne. Mais elle a été souvent mal comprise, parfois violée, rarement appliquée dans son esprit. Les révisions successives, notamment celle initiée sous René Préval, ont ajouté à la confusion sans résoudre les contradictions. « Le problème n’est pas la Constitution, écrit Me Torchon, mais la pratique du pouvoir et le déficit moral de ceux qui l’exercent. »
Dans son analyse, il cite le rôle ambigu de certaines commissions, les pressions extérieures, la tentation d’un exécutif renforcé au détriment du contrôle parlementaire. Des juristes, dont des membres du Barreau de Port-au-Prince, ont dénoncé le projet référendaire comme entaché d’« irrégularités juridiques » et d’un « grave déficit de légitimité ». Ces réserves ont finalement conduit le gouvernement à abandonner l’idée du référendum en octobre 2025.
Mais au-delà du constat juridique, la réflexion de Me Inel Torchon pose une question plus large : Haïti a-t-elle besoin d’un nouveau texte fondamental ou d’un nouveau pacte moral ? Il appelle à une « refondation par le consensus », non pas dictée par la peur, mais portée par la conscience nationale.
Dans un pays où les constitutions changent plus vite que les mentalités, la mise en garde de Me Torchon prend tout son sens : « La réforme n’aura de sens que si elle s’enracine dans la stabilité, la culture et la souveraineté. »
Haïti n’a pas besoin d’un simple changement de constitution, mais d’un changement de comportement. Car au fond, comme le rappelle l’ancien commissaire du gouvernement, la vraie crise n’est pas dans les textes, mais dans les têtes.
YPL-RVAinfo




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